• Vin, fleurs, salaires: les dépenses cachées de la présidence de l'Assemblée

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    Voilà encore un secret bien gardé de la chambre des députés. Rémunérations, fleurs, vins ou voyages : Mediapart s’est procuré un bilan inédit des dépenses de la présidence de l’Assemblée nationale. L'addition atteint 7 millions d'euros par an – sans compter l'indemnité de représentation versée au président lui-même (10 200 € mensuels), en plus de son salaire. Ces données, qui n'apparaissent dans aucun document public, sont accessibles aux seuls députés membres de la Commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes du Palais-Bourbon.

    Encore insuffisamment précises, elles permettent de se faire une idée du train de vie de Bernard Accoyer (UMP), dont le mandat s’achève avec les élections législatives des 10 et 17 juin. De la même façon que nous avions révélé à l’automne dernier, avant les élections au Sénat, les frais de la présidence de Gérard Larcher (UMP), nous publions ces chiffres pour 2008, 2009 et 2010 puisque rien ne justifie que les citoyens ignorent l'usage que l'Assemblée fait de sa dotation d'Etat (533 millions d'euros ces années-là).

     

     

    En 2010, la présidence de l'Assemblée a ainsi déboursé 595 757 euros en « frais de réception et de déplacement » (en hausse de 4,17 % par rapport à 2009). Au compteur : 47 719 euros de voyages pour le patron en personne, et 44 829 euros pour ses conseillers. Sans élément de comparaison, difficile de critiquer. Même si Bernard Accoyer aurait sans doute pu faire l'économie d'inviter le président syrien Bachar El-Assad fin 2010 à l'hôtel de Lassay (trois ans après Mouammar Kadhafi).

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    A cette enveloppe, il faut ajouter quelques « menues » dépenses : 49 640 euros consommés en bouquets de fleurs (cinq fois moins qu'à l'Elysée), 113 050 euros en bouteilles de vin, 52 542 euros en imprimés administratifs (bristols d’invitation, cartes de visite, de vœux, menus, etc.).

    La ligne budgétaire la plus importante reste évidemment celle des salaires, avec les rémunérations des conseillers du cabinet et des personnels affectés à l'hôtel de Lassay. Pour l'année 2010, leur montant global s'élève à 6 149 338 euros brut (versés pour moitié grosso modo à des fonctionnaires de l'Assemblée, pour moitié à des contractuels ou vacataires). Une somme qui ne tient pas compte des traitements des fonctionnaires mis à disposition de Bernard Accoyer par d'autres administrations...

    Au 31 décembre 2010, on comptabilise ainsi 48 fonctionnaires de l'Assemblée en poste à la présidence (dont huit chauffeurs à disposition du cabinet). Leur rémunération moyenne ? 5 176 euros (sur douze mois). Nous l’avions déjà vu pour le Sénat : la fonction publique parlementaire propose des traitements pour le moins inhabituels !

    Parmi les contractuels, on dénombre fin 2010 deux employés de maison, l'un dédié à Bernard Accoyer (qui dispose d'appartements privés à Lassay), l'autre à son directeur de cabinet (qui y a récemment renoncé). Dans la liste également : six cuisiniers, un intendant, ou encore trois fleuristes. Bizarrement, ces derniers ont longtemps été « mis à disposition par la Ville de Paris », et n'ont signé un contrat avec la présidence de l'Assemblée qu'en 2006. Pourquoi le contribuable parisien a-t-il payé, pendant des années, les jardiniers de Lassay, en particulier de Jean-Louis Debré (patron du Palais-Bourbon de 2002 à 2007) ? Sollicitée par Mediapart, la mairie de Paris confirme cette étrangeté et révèle que l'Assemblée nationale a été priée, en 2006, de lui rembourser 328 000 euros pour « les prestations réalisées entre le 1er avril 2002 et le 31 décembre 2005 ».

    « Je prédis à mon successeur les mêmes difficultés »

    Que faut-il penser de ces chiffres ? Tandis que les salaires des ministres sont revus à la baisse par le gouvernement de François Hollande, Bernard Accoyer rappelle à bon droit qu'il a fait « baisser ses indemnités de président de l'Assemblée nationale de 10 % il y a quelques mois déjà, sans le faire savoir à la terre entière ». Il faut dire qu'en 2012, la dotation de l'Etat au Palais-Bourbon a diminué de 3 %, comme pour le Sénat.

    En en ce qui concerne la présidence de l'Assemblée, il reste toutefois difficile de juger des efforts consentis. Mediapart a bien eu accès aux bilans d'années antérieures, mais les postes de dépenses ne sont pas toujours dessinés de la même façon, et les périmètres bougent, rendant tout comparatif hasardeux.

    Bernard Accoyer assure à Mediapart : « Dès que je suis arrivé, j’ai donné des directives extrêmement claires de gel des dépenses de la présidence et de l’Assemblée nationale. C’était une première, et on s’est tenu à cet objectif. »

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    Il explique avoir supprimé les voyages en première classe pour tous les déplacements, avoir abandonné les vols privés (« à l'exception de deux ou trois fois où il y avait des funérailles de députés »), ne pas utiliser de voiture de fonction dans sa circonscription de Haute-Savoie : « J'y conduis moi-même mon véhicule. »

    Mais si tout est si clair et vertueux, pourquoi ne pas rendre public l’ensemble de ces données ? Bernard Accoyer rappelle qu'en 2008, quand il a demandé à la Cour des comptes de se pencher sur la situation de l’Assemblée nationale dans son ensemble, le document intermédiaire (qui pointait une dérive des dépenses de personnel et la mauvaise gestion des travaux de rénovation du Palais-Bourbon) a fuité en partie dans la presse. « J’ai alors eu droit à une levée de boucliers de l’administration et des élus. Je n’ai pas pu poursuivre, et je n’ai fait revenir la Cour que pour examiner essentiellement les procédures de marché public. » Une bonne excuse toute trouvée ? « Je prédis à mon successeur les mêmes difficultés », avance l’encore président.

    En ce qui concerne le détail des dépenses, son directeur de cabinet assure que le nombre de membres dudit cabinet est le plus faible de l’histoire de la présidence de l’Assemblée (bien moindre que sous Laurent Fabius ou Jean-Louis Debré). Sans qu’il nous soit possible de le vérifier.

    Par ailleurs, la moyenne des trois plus hauts salaires du cabinet s’élèverait selon lui à 9 000 euros net par mois, contre 13 852 euros lorsque nous avions enquêté sur le cabinet de Gérard Larcher au Sénat – celui-ci avait dû, à la suite de nos révélations, plafonner les revenus des membres de son cabinet.

    Même sur les dépenses de vin, qui peuvent paraître démesurées, la présidence a une réponse : « Pour une meilleure gestion, depuis 2006, nous achetons des vins en primeur. Ils sont 20 % moins chers, et sont consommables huit ou dix ans plus tard. Les très bonnes années, nous investissons ; les moins bonnes, beaucoup moins. » Nul doute que Bernard Accoyer aura l’occasion au cours des prochaines années, en tant qu'ancien président, de tester les choix de bouteilles de son cuisinier.

    Les avantages réservés par l’Assemblée à ses anciens patrons vont d’ailleurs bien au-delà : ils peuvent bénéficier d’une voiture avec chauffeur, d’un bureau et d’une secrétaire, censée traiter l’abondant courrier. D’après nos informations, le Palais-Bourbon vient toutefois de « durcir » ce régime privilégié : « Nous avons décidé, en début d’année, d'en terminer avec cette rente à vie, de mettre fin au caractère viager de ces facilités, qui seront désormais limitées à dix années, révèle Philippe Briand (UMP), l’un des trois questeurs de l’Assemblée. Par ailleurs, aucun véhicule ne leur sera plus affecté, mais seulement prêté à l’occasion de déplacements ayant une dimension publique. Pas question de faire ses courses ou de partir en week-end. »

    Ces nouvelles directives touchent en premier lieu Henri Emmanuelli, toujours député socialiste, qui devrait perdre sa voiture et sa secrétaire – si ce n'est déjà fait.

    Quant aux « anciens » qui décrochent une « fonction nationale » dans les dix ans, comme Jean-Louis Debré au Conseil constitutionnel, le nouveau régime s'avère encore plus strict : « Aucune facilité matérielle de la part de l'Assemblée, explique Philippe Briand. C’est une question de bon sens. »

    Source Mediapart: Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 1er Juin 2012 à 17:17
    Nova

    Pppfff...que de dépenses totalement inutiles...ça fait mal au coeur en fait...

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    2
    Vendredi 1er Juin 2012 à 19:27
    TTmor

    Les dessous de tables ne sont pas toujours jolis jolis. Merci d'éclairer nos lanternes. @+

    3
    Vendredi 1er Juin 2012 à 20:00
    Adam

    pour toi petite étoile,ma bourse est vide..............

     

     

    J'ai les mêmes soliflores à la maison, mais je n'avais pas pensé à mettre de la terre

    Bises

    @dam

    4
    Vendredi 1er Juin 2012 à 20:07
    Adam

    Tout le mérite en reviens aux journalistes indépendants de Mediapart

     

    Bon weekend Thierry,

    Amitiés

    @dam

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