D’abord l’état vide les fouilles du citoyen, ensuite le MES casse la tirelire de l’état. C’est simple l’économie !
A l’occasion de l’adoption du Traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité (MES, loi n° 2012-324 du 7 mars 2012), à l’instar du député Hollande, ceux du PS se sont abstenus d’exprimer leur suffrage. Ils n’ont pas honoré la requête de ceux qui, tel Mélenchon, auraient apprécié voir 60 députés ou sénateurs saisir la Conseil constitutionnel pour examiner la conformité du traité annexé à la loi de ratification votée selon la procédure accélérée pour rassurer la finance internationale sur les bonnes intentions des candidats à la veille des élections.
Selon son article 43, ce traité entre vigueur à la date de dépôt de la ratification par les signataires dont la souscription initiale représente au moins 90 % des souscriptions totales. Il engage la France à investir 142 701 300 000 €. Les parts du capital souscrites ne peuvent être grevées de charges ni données en nantissement ou cédées. Voilà qui va faire défaut au Trésor Public et risque de coûter plus cher en intérêts qu’il ne rapportera en dividendes. Le paiement des parts libérées du capital initial souscrit par chaque membre du MES s'effectue en cinq versements annuels représentant chacun 20 % du montant total.
Chaque membre du MES désigne un gouverneur et un gouverneur suppléant, révocables à tout moment. Le gouverneur est un membre du gouvernement, chargé des finances, de l’état qu’il représente. Ces personnes constituent le Conseil des Gouverneurs. Cette assemblée est en charge de décider et de coordonner, chacun dans son état d’origine, les décisions prises en commun.
Le conseil d'administration de cette institution peut décider, à la majorité simple, d'appeler le capital autorisé non libéré pour rétablir le niveau du capital libéré si, du fait de l'absorption
de pertes, son montant est inférieur au niveau établi à l'article 8, paragraphe 2, qui peut être modifié par le conseil des gouverneurs. « Le capital autorisé se compose de parts
libérées et de parts appelables. La valeur nominale totale initiale des parts entièrement libérées s'élève à quatre-vingts milliards (80 000 000 000) d'euros. Les parts de capital autorisé
initialement souscrites sont émises au pair. Les autres parts sont elles aussi émises au pair, à moins que le conseil des gouverneurs ne décide, dans des circonstances
particulières, de les émettre à d'autres conditions. » (Le pair est la valeur nominale de l’action). Cette disposition s’applique n’importe la position du gouverneur
représentant la république française. Elle prive le Parlement de la maîtrise de la loi de finances et s’oppose aux articles 39 et 47 de la Constitution. En cas de pépin, le directeur
général appelle, en temps utile, le capital autorisé non libéré pour éviter que le MES ne puisse honorer ses engagements envers ses créanciers. Il informe le conseil d'administration et le
conseil des gouverneurs de cet appel.
Lorsqu'un manque de fonds potentiel du MES est décelé, le directeur général lance un appel de capital, afin que le MES dispose de fonds, le plus rapidement possible, pour rembourser intégralement
ses créanciers aux échéances prévues. Les états membres du MES s'engagent de manière irrévocable et inconditionnelle à verser les fonds demandés par le directeur général dans les sept jours
suivant la réception de ladite demande (article 9 traité MES).
En France ce fonctionnement présume l’accord de fait du Parlement. Cette disposition semble conforme à l’article 53 de la Constitution :
« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des
dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en
vertu d’une loi.Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. »
Toutefois, selon l’article 47 c’est au Parlement de voter les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique.
Le MES est un institut financier destiné à aider, sous certaines conditions, les pays membres à surmonter des difficultés dues à leur endettement public très important. Cette institution mutuelle
prête à des taux acceptables. Elle est censée rapporter des dividendes aux états actionnaires, propriétaires de son capital au prorata de leur participation.
En théorie, il ne s’agit pas ici d’une dépense de l’état mais d’un placement financier. La bonne affaire ! Vraisemblablement, pour honorer cet engagement, la France, en manque patent de
liquidités, empruntera sur les marchés pour plus cher que ne lui rapporteront ses parts du MES.
Comble ! Ce traité n’entre qu’avec un chausse-pied dans le cadre de l’article 53 de la Constitution.
En effet, si ce capital est inscrit au bilan de la nation conformément à l’article 5 de la loi organique n° 2001-691, il ne constitue pas une dépense mais une spéculation. Rien dans la
constitution ne prévoit un tel poste. Il faut alors se tourner vers la loi organique prévue pour son application par son article 47.
Bingo ! L’article 36 de cette loi organique (n° 2001-691 du 1er août 2001) dispose :
« L'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l’Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de
finances »L’article 53 de la Constitution, s’il permet, sous réserve d’une loi, la ratification du traité instituant le MES n’autorise pas, pour autant, à passer outre à la loi
organique prévue à l’article 47 et n’échappe pas à son article 36. C’est pourquoi l’article 33 de la loi de finances rectificative du 20 février 2012 dispose : « Le Gouvernement
transmet aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances la synthèse trimestrielle de la situation financière du mécanisme européen de stabilité ainsi que le compte de
profits et pertes faisant ressortir les résultats de ses opérations, prévus à l’article 27 du traité l’instituant.
Lorsque le conseil des gouverneurs du mécanisme européen de stabilité adopte une décision relevant des d, f, h et i du 6 de l’article 5 du traité mentionné au premier alinéa du présent article,
le ministre chargé de l’économie en informe les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances. »
C’est limpide, le Gouvernement informe sans demander son avis au Parlement des décisions prises d'un commun accord par le conseil des gouverneurs du MES pour ce qui concerne :
d) la modification du capital autorisé du MES et l'adaptation de sa capacité de prêt maximale, conformément à l'article 10, paragraphe 1 ;
f) l'octroi d'un soutien à la stabilité du MES, y compris la conditionnalité de politique économique établie dans le protocole d'accord visé à l'article 13, paragraphe 3, et le choix des
instruments et les modalités et les conditions financières, conformément aux articles 12 à 18 ;
h) la modification de la politique et des lignes directrices concernant la tarification de l'assistance financière, conformément à l'article 20 ;
i) la modification de la liste des instruments d'assistance financière à la disposition du MES, conformément à l'article 19 ;Ce jargon abscons s’éclaire à la lecture des articles de
référence.
Le paragraphe 1 de l’article 10 concerne la modification du capital autorisé :
« Le conseil des gouverneurs réexamine régulièrement et au moins tous les cinq ans la capacité de prêt maximale et l'adéquation du capital autorisé du MES. Il peut décider de modifier le
montant du capital autorisé et de modifier l'article 8 et l'annexe II en conséquence. Cette décision entre en vigueur après que les membres du MES ont informé le dépositaire de l'accomplissement
de leurs procédures nationales applicables. »
En clair le Gouvernement s’engage à prévenir poliment le Parlement si le capital est modifié sur décision du à la majorité du conseil des gouverneurs.
Le paragraphe 3 de l’article 13 du traité concerne l’état membre souhaitant le soutien du MES. Les articles 12 à 18 présentent les principes, les opérations et les instruments financiers
permettant de l’assister. L’article 19 habilite le conseil des gouverneurs à réviser et modifier la liste des instruments d'assistance financière. L’article 20 expose la politique tarifaire du
MES.
A aucun moment, dans la loi de finances rectificative, il n’est mention des risques encourus par l’état en application de l’article 9 du traité à propos des appels urgents de capital
auquel il n’est pas en mesure de répondre :
« 1. Le conseil des gouverneurs peut appeler à tout moment le capital autorisé non libéré et fixer un délai de paiement approprié aux membres du MES.
2. Le conseil d'administration peut décider à la majorité simple d'appeler le capital autorisé non libéré pour rétablir le niveau du capital libéré si, du fait de l'absorption de pertes, son
montant est inférieur au niveau établi à l'article 8, paragraphe 2, qui peut être modifié par le conseil des gouverneurs 1suivant la procédure prévue à l'article 10, et fixer un délai de paiement
approprié aux membres du MES.
3. Le directeur général appelle en temps utile le capital autorisé non libéré si cela est nécessaire pour éviter que le MES ne puisse honorer ses obligations de paiement, programmées ou autres,
envers ses créanciers. Il informe le conseil d'administration et le conseil des gouverneurs de cet appel. Lorsqu'un manque de fonds potentiel du MES est décelé, le directeur général lance un
appel de capital dès que possible, afin que le MES dispose de fonds suffisants pour rembourser intégralement ses créanciers aux échéances prévues. Les membres du MES s'engagent de
manière irrévocable et inconditionnelle à verser sur demande les fonds demandés par le directeur général en vertu du présent paragraphe dans les sept (7) jours suivant la réception de ladite
demande. »
Ainsi l’article 9 du traité est exclu de l’article 33 de la loi de finance rectificative du 20 février 2012. Il n’appartient pas à cette loi comme l’exige l’article 36 de la loi organique
d’application de l’article 47 de la Constitution. En supplément l’état B établi selon l’article 12 de ladite loi de finances rectificative ne budgète que 16 310 000 000 € comme dotation au
capital du MES. Les articles 12 et 33 de cette loi de finances taisent tout éventuel appel urgent de capital et oublient que toute spéculation peut se solder par une perte de capital si les
affaires se gâtent.
Et, de vous à moi, quand il s’agit de garantir les emprunts d’états sans ressources, la gâterie est programmée. Quand on connaît, à lorgner sur les feuilles de présence, l’intérêt pour la cantine
que porte la plupart des parlementaires, on comprend une telle omission.
Le traité ne semble pas satisfaire la condition imposée par l’article 47 de la Constitution, il ignore partiellement l’article 36 de la loi organique d’application. Il faut alors, comme l’avait
fait en son temps Jean Luc Mélenchon, se demander si toutes ses clauses sont bien conformes à l’article 47 de la Constitution, voire à la Constitution tout court.
En effet ce document ne limite pas sa portée législative à des dispositions financières. Comme son appellation l’indique, il crée une institution financière mutualiste, une
personne morale à but lucratif, administrativement indépendante de l’Union.
Bien curieusement, en dépit du principe qui conduit habituellement à saisir, selon l’article 54 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, le traité instituant le MES a été adopté selon la
procédure accélérée sans demander l’avis de cette juridiction. Si elle est conforme au droit constitutionnel cette procédure pour autoriser la ratification d’un traité est très inhabituelle.
D’autant que le statut, les privilègeset l’immunité du MES sur le territoire de la République française pose des questions d’ordre constitutionnel.
Jugez-en !
Son article 32, noyé parmi les 48 et les annexes qui le composent, est une perle du genre.
Il expose les statuts, c’est-à-dire le cadre juridique permettant au MES de fonctionner :
Statut juridique, privilèges et immunités.
1. En vue de permettre au MES de réaliser son but, le statut juridique, les privilèges et les immunités définis dans le présent article lui sont accordés sur le territoire de chacun de ses
membres. Le MES s'efforce d'obtenir la reconnaissance de son statut juridique, de ses privilèges et de ses immunités sur les autres territoires où il intervient ou détient des actifs.
2. Le MES possède la pleine personnalité juridique et la pleine capacité juridique pour :
a) acquérir et aliéner des biens meubles et immeubles ;
b) conclure des contrats ;
c) ester en justice, et
d) conclure un accord de siège et/ou un protocole en vue, le cas échéant, de faire reconnaître son statut juridique, ses privilèges et ses immunités, ou leur donner effet.
3. Le MES et ses biens, ses financements et ses avoirs, où qu'ils soient situés et quel qu'en soit le détenteur, jouissent de l'immunité de juridiction sous tous ses aspects, sauf dans la mesure
où le MES y renonce expressément en vue d'une procédure déterminée ou en vertu d'un contrat, en ce compris la documentation relative aux instruments de financement.
4. Les biens, les financements et les avoirs du MES, où qu'ils soient situés et quel qu'en soit le détenteur, ne peuvent faire l'objet de perquisitions, de réquisitions, de confiscations,
d'expropriations ou de toute autre forme de saisie ou de mainmise de la part du pouvoir exécutif, judiciaire, administratif ou législatif.
5. Les archives du MES et tous les documents qui lui appartiennent ou qu'il détient sont inviolables.
6. Les locaux du MES sont inviolables.
7. Les communications officielles du MES sont traitées par chaque membre du MES et par chaque État qui a reconnu son statut juridique, ses privilèges et ses immunités de la même manière que les
communications officielles d'un État qui est membre du MES.8. Dans la mesure nécessaire à l'exercice des activités prévues par le présent traité, tous les biens, financements et avoirs
du MES sont exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires de toute nature.
9. Le MES est exempté de toute obligation d'obtenir une autorisation ou un agrément, en tant qu'établissement de crédit, prestataire de services d'investissement ou entité autorisée, agréée ou
réglementée, imposée par la législation de chacun de ses membres. »
En cas de malheur pas question de se payer sur la bête et de vendre sa dépouille à l’encan. Il faut continuer de rembourser les créances contractées. Les
travailleurs et les retraités paieront.
La Constitution est fondée sur le principe de l’égalité des personnes devant la loi qu’elles soient physiques (individus) ou morales (sociétés, associations ayant l’aptitude à ester en justice).
L’article 6 de la déclaration de 1789 : « La Loi est l’expression de la volonté générale. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. »
ne tolère pas d’exception.
Les privilèges et immunité énoncés dans les clauses 4 à 9 de l’article 32 du traité instituent une discrimination. C’est le motif du rejet pour inconstitutionnalité de l’article 62 de la loi de
finances 1974 selon la décision n° 73-51 DC du 27 décembre 1973 du Conseil constitutionnel.
Pourquoi un institut de crédit indépendant serait-il traité différemment de ceux auprès desquels les Etats font appel pour régler leurs difficultés de trésorerie ?
Sous prétexte que ses actionnaires sont des états qui le financent ? Nenni ! Le considérant n° 12, en préambule du traité, admet la participation des financiers privés au
MES : « Conformément aux pratiques du FMI, dans des cas exceptionnels, une participation du secteur privé, sous une forme appropriée et proportionnée, sera envisagée dans les cas où
un soutien à la stabilité est octroyé.. »
Il convient alors de confronter la conformité des points 4 à 9 des statuts du MES avec l’article 6 de la déclaration de 1789 et modifier celui-ci. L’ennui c’est qu’une telle déclaration de
1789 n’est pas révisable. Il faut la supprimer. C’est pourquoi, dès son installation à l’Elysée, l’élu sortant avait prié Madame Veil d’étudier un préambule et des annexes plus actuels pour
réviser le bloc constitutionnel. Ce que la grande Dame, trop respectueuse de la démocratie, s’est bien gardée de faire.
Il faut s’interroger sur les valeurs démocratiques exprimées par le traité. Les états membres qui participent aux capital et au financement du MES constituent-ils une entité au-dessus des
lois ?
Le MES est-il différent des instituts du secteur privé auquel il est autorisé à faire appel ? (art.12 du traité) : « Le MES est habilité à
emprunter sur les marchés de capitaux auprès des banques, des institutions financières ou d'autres personnes ou institutions afin de réaliser son but. »
Pour quel biais ou habileté juridique la première phrase de l’article 35 serait-il conforme au principe d’égalité de la Constitution ? « Dans l'intérêt
du MES, le président du conseil des gouverneurs, les gouverneurs, les gouverneurs suppléants, les administrateurs, les administrateurs suppléants ainsi que le directeur général et les autres
agents du MES ne peuvent faire l'objet de poursuites à raison des actes accomplis dans l'exercice officiel de leurs fonctions. » Qu’en pense Jérôme Kerviel ?Les banquiers
jouissent-ils d’une immunité dans l’exercice de leur profession ? Peuvent-ils se permettre professionnels ? Pourquoi ouvrir ainsi la porte à tous les abus aux dépens des contribuables
en toute immunité ? Etrange.
Autant de questions auquel le Conseil constitutionnel aurait eu à répondre si les parlementaires du PS avaient cru bon de prémunir notre état en ruines de tout débordement ou abus financier en
lui demandant son avis.
Alors quelle leçon tirer de cette situation ?
Faut-il faire confiance à des députés mal intentionnés ou incompétents et leur renouveler notre confiance dont, à l’évidence, ils n’ont su
qu’abuser ?
Le 16 mai prochain, notre Président, frais émoulu des urnes, rencontrera la Chancelière pour tenter de renégocier cette pantalonnade, connue Outre-Rhin sous
l’appellation Pacte Fiscal. Il lui proposera une relance par la croissance en augmentant la dette publique. Il connaîtra la gracieuse Angela et l’un des deux son premier échec.
Lequel ?
Cauchois qui s’en dédit ! Si F.Hollande avait entendu Mélenchon en 2007 puis en février 2012, la catastrophe du traité de Lisbonne, celle du MES, et celle de la règle d’or qui l’attend à Berlin, nous auraient été épargnées. Mais s’agit-il d’un malencontreux hasard ou d’un calcul machiavélique ?
source : Agoravox,vidéo : deux traités pour couler l'Europe piquée au Papy Mouzeot.