Il y a deux genre d'avocats, ceux qui connaissent très bien la loi, et ceux qui connaissent très bien le juge.
( Coluche)
Juste avant les élections, le gouvernement facilite la reconversion de ses futurs ex-ministres et des parlementaires. Ils pourront devenir avocats sans aucun examen, simplement au nom de leur expérience. Les polémiques suscitées par les cas de Jean-François Copé ou de Dominique de Villepin seraient-elles déjà oubliées ?
Le décret paru ce mercredi au Journal officiel est d’apparence très technique, mais sa portée est en réalité très politique. Il crée de nouvelles dérogations aux règles d’accès au métier d’avocat :
Dans un premier temps, le ministère de la Justice aurait simplement voulu ajouter à la liste les assistants des députés et des sénateurs : ils connaissent bien la loi, puisqu’ils participent – dans l’ombre – à leur élaboration.
Dans la foulée, il était normal d’offrir aussi une dérogation aux députés et aux sénateurs eux-mêmes, nous explique Bruno Badré, porte-parole du ministère :
« Nous avions des discussions avec les représentants de la profession depuis plus de deux ans sur la possibilité de créer une passerelle au profit des collaborateurs parlementaires. La Chancellerie a estimé qu’il était naturel et logique de l’étendre à ceux qui emploient ces collaborateurs. »
La réforme ne s’applique pourtant pas qu’aux parlementaires. Elle profitera aussi aux ministres : le décret évoque toutes « les personnes justifiant de huit ans au moins d’exercice de responsabilités publiques les faisant directement participer à l’élaboration de la loi ».
Une formule « trop imprécise quant à son champ d’application et à la définition des catégories de personnes pouvant en bénéficier », avait estimé en mars le Conseil national des barreaux (CNB), consulté sur le projet. Il avait réclamé « une obligation de formation préalable de vingt heures minimum de déontologie et de réglementation », suivie d’un examen.
Le gouvernement a passé outre l’avis des professionnels. Contacté par Rue89, le CNB n’a pas l’intention de réagir avant la réunion de son bureau, le 10 avril.
La réforme n’ouvre pas le barreau à tous les anciens ministres ni à tous les parlementaires, fait valoir le ministère. Elle maintient en effet une condition, celle du diplôme : les intéressés devront toujours disposer « d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents ».
Cette condition avait par exemple empêché le député PS Julien Dray de devenir avocat. En janvier 2010, sa candidature au barreau avait été rejetée, car il ne disposait que d’une licence d’histoire-géo et d’un DEA d’économie.
D’autres ont pourtant bénéficié d’une interprétation plus souple des textes, comme Frédéric Lefebvre. Il disposait bien d’une maîtrise de droit, mais selon Libération, le conseil de l’ordre avait hésité sur son CV :
Cette réforme n’aurait rien changé pour Jean-François Copé, énarque, député de longue date et plusieurs fois ministre. Elle ne change rien, non plus, aux possibilités que le titre d’avocat offre au secrétaire général de l’UMP et à ses confrères siégeant au Parlement.
Le code électoral est formel : pour éviter les conflits d’intérêts, un parlementaire ne peut pas se lancer dans des activités de « consulting » en cours de mandat. Sauf, justement, s’il devient avocat. Jean-François Copé et beaucoup d’autres ont donc pu mettre leur carnet d’adresses et leur influence au service d’entreprises... au risque de confondre leurs activités de législateurs et d’avocats.
François Krug
SOURCE / Rue 89
Dessin avocat comique d’office.
Par Gilles Thevenin