Intermarché, la seule société de distribution en France à posséder sa flotte de pêche, est accusée de publicité mensongère par
l’association BLOOM pour la protection des océans. En cause : la campagne lancée fin 2011 début 2012 par Intermarché pour vanter son engagement en faveur d’une
«pêche responsable». La plainte a été présentée vendredi 1er juin devant le jury de déontologie publicitaire de l’ARPP (Autorité de régulation
professionnelle de la publicité).
Le consommateur peut «savourer [son poisson] sans l’ombre d’un doute et pour longtemps encore !» énonçait cette campagne intitulée « Quand
les Mousquetaires s’engagent, ce n’est pas un coup d’épée dans l’eau ». La page a été publiée dans la presse fin 2011 et début 2012, quelques mois après des actions de Greenpeace contre les
bateaux de la Scapêche et dans les rayons des Intermarché. Le texte mettait en avant la reconnaissance de «pêche responsable» obtenu par Intermarché auprès du Bureau Veritas.
«Cette appellation, et le logo qui l’accompagne, n’est pas un écolabel, explique Claire Nouvian, présidente de BLOOM. Le seul écolabel qui existe pour
la pêche responsable est celui du Marine Stewardship Council (MSC). Or des pêches réalisées au chalut de fond n’obtiendraient pas ce label! ». Les chaluts –des filets en forme de cône-
sont lestés pour aller en profondeur, et tirés à la vitesse de 2 à 4 nœuds. Les inconvénients de cette pêche sont connus et ses effets sur l’écosystème pélagique dénoncés par de nombreuses
études.
«Les filets font beaucoup de dégâts sur les fonds et attrapent tout, ce n’est pas une pêche sélective et ça touche un milieu particulier, l’environnement
profond, où tout est en au ralenti, explique Claire Nouvian. Les poissons pélagiques ont une maturité sexuelle tardive, ils vivent longtemps mais on une fécondité assez
basse. » La lingue bleue et le sabre noir, mis en avant par la campagne d’Intermarché, sont des espèces pêchées en profondeur.
L’association BLOOM, et les 26 scientifiques de tous pays qui soutiennent la plainte, dénoncent la confusion qui est ainsi créée auprès du consommateur, qui pense acheter son poisson en toute sérénité alors que «tous les faits montrent que les pêches profondes mènent à la destruction de l’habitat et à l’épuisement routinier des populations de poissons».
La confusion est d’autant plus grande que le logo utilisé par Intermarché (à droite) est très proche de celui du Marine Stewardship Council (MSC).
Or le fonctionnement de cet écolabel n’a rien à voir avec la politique mise en place par Intermarché. Le MSC est une ONG qui a mis au point un référentiel pour une
pêche durable. Mais ce sont des organismes indépendants, eux-mêmes certifiés par ASI (Accredition Services International), qui mènent les audits auprès des sociétés de pêche pour délivrer
l’écolabel. Scapêche a elle travaillé avec Bureau Veritas pour définir un cahier des charges (incluant des critères sociaux) et c’est la même société qui certifie le respect par la Scapêche des
critères qu’elle a elle-même définis...
Du côté des Mousquetaires, on précise qu’il s’agissait d’une campagne institutionnelle n’ayant fait l’objet que d’une seule parution (sans que la date soit
reprécisée). La société de distribution ne souhaite pas communiquer avant la décision du Jury de déontologie de la publicité, attendue dans environ trois semaines.
C.D.
Sciences & Avenir.fr
01/06/12