Isabelle Cordeiro, la femme de ménage du lycée des Trois Sources, mise à pied suite à la découverte par les élèves de son blog pornographique, s’était vue signifier, il y a quelques jours, un arrêté de suspension temporaire de son employeur, le conseil régional.
Elle est femme de ménage ou agent d’entretien, comme on dit dans la langue des collectivités territoriales. Des élèves du lycée
général où elle travaille, dans la Drôme, sont tombés sur son blog érotico-pornographique. Ils ont placardé des captures d’écran dans l’établissement
A la lecture de ces informations, on peut légitimement penser qu’après tout, ce blog, c’était son affaire, sa vie privée, qu’il n y
avait pas de raison qu’elle soit suspendue. On peut aussi se demander sur quelle base juridique repose cette suspension.
L’avocat d’Isabelle Cordeiro, Maître Arnaud Lemoine, a accepté de répondre aux questions.
Rue89 : Pourquoi finalement, Mme Cordeiro est-elle inquiétée ? Ne peut-on pas considérer que son blog relève de sa vie privée
?
Arnaud Lemoine : C’est assez complexe et en même temps très simple. On n’aurait jamais ennuyé Mme Cordeiro si des gamins du lycée où
elle travaillait n’avaient pas placardé des photos d’elles, extraites de son blog dans l’établissement.Mais était-elle en tort, juridiquement, de tenir ce blog ?
Dans la fonction publique, il y a ce qu’on appelle le cumul d’activités. Un fonctionnaire a le droit d’avoir plusieurs activités. Il
a sa fonction première de fonctionnaire, mais à côté de ça, l’administration tolère qu’il puisse avoir une autre activité.
Elle peut relever de trois domaines :
le conseil ;
l’enseignement ;
la production artistique.
En 2009, Madame Cordeiro a informé son employeur qu’elle voulait tenir un blog à caractère pornographique et qu’elle souhaitait
aussi être modèle de photos érotiques. L’administration l’a accepté.
Mme Cordeiro tient son blog discrètement. Il y a une coupure très nette entre sa vie privée et sa vie d’agent public. Le lien entre
les deux ne peut être fait.
En revanche, si quelqu’un fait la démarche d’aller sur internet et de chercher son blog, il peut le faire, mais c’est un blog à
accès restreint comme tout blog pornographique. On ne peut donc donc pas en tenir responsable Mme Cordeiro alors même qu’elle avait de surcroit prévenu l’administration.
En dehors de la procédure administrative, vous portez plainte contre X. Pour quel motif ?
Placarder les captures d’écran du blog est une blague d’ado potaches. Vous imaginez comment cette découverte a pu être vécue par ces
adolescents, la femme de ménage qui fait du porno, et tous les raccourcis qui vont avec. Mais, pour Mme Cordeiro, les conséquences ne sont pas légères.
Cela relève du pénal, de l’article 226 du code pénal très exactement. Il punit « d’un an d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende le fait », « de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui », notamment « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »
Ici, les photos ont été extraites sans l’accord de la propriétaire du blog puis affichées dans un lieu public.
A quoi correspond exactement la mesure de suspension ?
Ce n’est qu’un gel de la situation. Pendant quatre mois, elle est payée et on lui demande de ne pas venir travailler. L’idée est très certainement de remettre du calme dans un établissement qui a subi un trouble de l’ordre, mais aussi de protéger l’agent lui-même.
La suspension peut avoir lieu dans deux cas. Si l’agent est soupçonné d’une faute administrative ou s’il fait l’objet d’une poursuite pénale.
Les quatre mois de suspension correspondent d’ailleurs au délai qu’on accorde à l’administration pour qu’elle diligente une enquête. En l’occurrence, aucun des deux cas n’est ici représenté.
Tout cela est juste une mauvaise blague d’adolescents. Aucune faute n’est à retenir contre elle.
Que peut-il se passer dans quatre mois ?
Soit l’administration joue la carte d’une sanction, soit encore, elle lui propose une réaffectation, mais nous veillerons à ce qu’une mutation ne soit pas, en réalité, une punition déguisée.
En tout cas, l’administration est dans une impasse. Elle a validé la création de ce blog, alors même que ce dernier avait déjà posé problème dans un autre établissement.
Vous pensez que la situation aurait été différente si Mme Cordeiro avait été enseignante ?
L’administration aurait sûrement porté une attention différente à sa demande.
Source :Le Dauphiné.com; Rue89