Raciste ? Jamais de la vie, "la preuve, mon chien est noir". C’est le style d’argument imparable que l’on entend chez les adeptes de la droite décomplexée. Une sorte de réponse clé en main pour justifier le racisme ordinaire. Et oui, le racisme est devenu ordinaire au même titre que remplir une grille de PMU ou faire la queue le dimanche matin pour un Paris/Brest.
C’est Nadine Morano, une fidèle de l’ancien boss, qui s’illustre le mieux dans l’exercice ordinaire des petites phrases aux relents coloniaux. Elle nous a
manqué, la voilà qui revient.
Il y a quelques jours, l’imitateur Gérard Dahan nous offrait un moment d’anthologie en se faisant passer pour Louis Aliot au téléphone. Nadine voyait dans cet
appel, l’apport tant attendu des voies des camarades du Front. Elle était aux anges Nadine. A sa voix, on sentait une fusion que j’oserais presque qualifier d’hormonale avec le Front national. Il
faut dire qu’elle en a fait des ronds de jambes pour courtiser le badaud à la flamme tricolore. Allant jusqu’à accorder un entretien exclusif dans Minute, elle caresse le lecteur en étant contre
« le vote des étrangers » et parlant « d’identité nationale ». Tout ça pour perdre les législatives. Vraiment pas de chance. Silence brutale d’une élection
perdue…
Et puis patatras ! La machine s’emballe.
Morano essaie d’éteindre l’incendie, mais c’est pire. Elle affirme que non, qu’elle n’est pas raciste. Que ce n’est pas ce qu’elle a voulu dire. Qu’au fond d’elle
(vraiment au fond), elle partage les valeurs humanistes, les valeurs qui rapprochent les gens entre eux… Elle rame fort Nadine mais la vague qui pousse est plus forte que ces effets de
manche.
L’exercice de communication pour la dé-racistiser médiatiquement tourne au fiasco. Sur le plateau de France 5, elle plaide sa cause « Me faire passer pour
quelqu’un qui serait raciste, alors que j’ai des amis qui sont justement arabes ». C’est quoi le rapport au juste ? Moi pas compris ? Veut-elle dire que l’Arabe serait
l’excuse et l’amitié, l’alibi d’un amour de la différence ?
C’est l’argument de choc, « le poids des mots » comme dirait un grand magazine philosophe à grand tirage. Ca me fait penser à l’auvergnat de Brice
Hortefeux. Une sorte de blague de blanc à destination des gris. C’est une sorte de plaidoirie du condamné. Elle est à bout de souffle. Le couloir de la mort pour celle qui en vaut la
peine.
Le summum de son intervention, c’est quand elle affirme que sa meilleure amie est « tchadienne, donc plus noire qu’une arabe ». Ouah ! Son
amie tchadienne appréciera la syntaxe. Mais au fait, c’est quelle couleur « plus noire qu’une Arabe ?
A l’entendre, j’ai presque un sentiment compassionnel. Une image me vient à l’esprit, celle d’un oiseau tombé du nid qui tente de se raccrocher aux branches pour
éviter le sol qui se rapproche dangereusement.
Un ancien malade m’a récemment confié qu’il pouvait s’agir d’un syndrome qui s’apparente au retour de couche électoral. Le « plus noire qu’une Arabe » de
Nadine Morano est ici la quintessence de l’analyse des couleurs. Certains parlent d’un daltonisme aggravé qui aurait eu pour racine la consommation abusive du pouvoir. Pas n’importe quel pouvoir,
le bling-bling aveuglant. Les sujets peuvent subir des dégâts sur la rétine à cause d’une absence brutale de la Lumière et confondre la couleur de peau avec l’origine ethnique.
Médiapart Nicolas Georges