J'ai senti la portée de cet acte, se transformer en fait politique majeur au fil des heures. À midi déjà, des gens étaient sur place, puis, dans l'après midi
et vers le soir, des centaines de personnes redevenaient des témoins actifs du temps présent. Des manifestants lycéens et étudiants se sont rendus devant le monument du soldat inconnu (entre
la place et le Parlement), tandis qu'au même moment, les premières compagnies de MAT (CRS) se précipitèrent sur la place.
Au pied du cyprès, des anonymes ont déposé des bouquets de fleurs, des cierges et des dizaines de messages manuscrits appelant notamment « Au soulèvement
du peuple » « Soulevez-vous, son sort sera le sort de nous tous », « Salopards gouvernants, un jour nous vous suiciderons » ,
« Le sang du peuple va vous noyer », « La liberté ou la mort », « Vengeance » , pouvait-on lire sur ces messages écrits, le maître-mot
n'étant plus « l'indignation » mais « la vengeance ».
Le soir la place s'est remplie davantage. Notre police prétorienne, œuvrant pour les occupants, intérieurs et extérieurs, a
chargé comme d'habitude, Parmi les citoyens passés à tabac par les policiers, il y avait une jeune journaliste de la chaine ANT-1. Puis, il y a eu des interpellations, et tout cet usage de la
chimie habituelle. Alchimies encore, du régime bancocrate. Les politiciens ont peur de la rue et nous le savons. Dans l'air du temps, il y a aussi les élections, d'ailleurs toujours
hypothétiques, enfermant pourtant, les représentations des partis de gauche dans un carcan tristement étriqué. Un vieil homme que j'ai rencontré sur la place vers 21h, alors très ému, les
larmes aux yeux, s'est adressé à un groupe de jeunes ainsi : « pour une révolution, il faut du
sang, prenez les armes et tuez-les ».
Ce jeudi matin sur la place Syntagma, il y avait encore l'odeur de la chimie policière mais aussi celle de la vie, la notre.
Nous étions là, autour du cyprès, porteur désormais de nos messages et surtout du sien. « Ce n'est
pas un suicide, c'est un assassinat politique », puis ce nouveau graffiti sur le marbre :
« Le nom du mort devait être Papandréou, le nom du mort devait être Samaras, le nom du mort devait
être Karatzaferis... ».
"Le nom du mort devait être Papandréou..." - graffiti sur marbre - Place de la Constitution 5 avril 2012 au matin
Par la radio (real-FM), on apprend qu'hier également, une retraitée a mis fin à ses jours en Italie.
« Je ne pouvais plus vivre, d'une retraite amputée ainsi », tel fut son ultime message.
Décidément, les messages ainsi ultimes se multiplient à travers l'Eurozone. Notre pharmacien étant un enfant des temps de l'occupation et de la famine de
1941, il a bien détecté l'odeur de l'époque et le vent mauvais. L'occupation revient, et pas seulement que dans les stéréotypes. Peu importe si c'est autrement. L'éditorialiste Trangas
(real-FM), tient Madame Merkel pour responsable de cette nouvelle mauvaise Europe, mais sur la place Syntagma on se disait que c'est plutôt l'Union Européenne qu'il faut briser.
« Eh Grecs, l'U.E. est en train de nous tuer », a crié un homme devant le cyprès.
"Ce n'est pas un suicide, c'est un assassinat politique" - 5 avril
2012
Les membres d'une équipe de documentaristes venus d'Allemagne se sont confiés il y a quelques jours à un de mes amis : « cette Europe est
morte, elle fait du mal à tout le monde », c'est dommage, je n'ai pas pu les rencontrer.
Jeudi midi, Athènes sous une pluie fine, douceur.
Loukanikos - place de la
Constitution - 4 avril 2012
Sources
http://greekcrisisnow.blogspot.fr/2012/04/le-nom-du-mort.html